Édito Festival Allers-Retours 2025

Blue Sun Palace de Constance Tsang

Pour l’édition 2025, le comité de sélection du Festival Allers-Retours a comme à l’accoutumée vu de nombreux films, et ce sont les jeunes auteurs qui se sont particulièrement démarqués. Des 12 longs-métrages choisis par notre équipe, 8 sont des premières œuvres. Qu’ils s’emparent des sujets liés à leur génération, qu’au contraire ils observent d’un œil particulier leurs anciens, ou bien qu’ils rivalisent d’expérimentations stylistiques nouvelles, ces cinéastes nous emmènent vers des terrains inattendus, nous offrant matière à réflexion et à contemplation.

Dotés de belles qualités artistiques et émotionnelles, les films qui émaillent la sélection reflètent la façon dont cette jeunesse sinophone se regarde et s’appréhende. She Sat There Like All Ordinary Ones marque le passage au long-métrage de Qu Youjia, dont le moyen-métrage Together Apart a été montré lors de l’édition 2020. Ce premier long se révèle extrêmement sensible, en s’attardant sur deux lycéens qui apprennent comment réagir l’un par rapport à l’autre dans une relation humaine complexe. All, or Nothing at All, premier film de Jiajun ‘Oscar’ Zhang, explore l’aliénation d’une nouvelle génération face au paysage de consommation sensorielle écrasante d’un centre commercial shanghaien dans deux récits complémentaires. Les versions “A” et “B” correspondent à l’ordre dans lequel les deux récits peuvent être présentés. Frankenfish by the River de Chen Yusha, quant à lui, dresse un portrait doux et amusant d’un groupe de jeunes adultes dans la Chine d’aujourd’hui, une atmosphère fraîche et originale. En Garde (Pierce), premier film de Nelicia Low, ancienne escrimeuse, offre aux spectateurs un thriller tendu, mettant en scène l’influence d’un jeune homme fraîchement sorti de prison sur son jeune frère. After the Snowmelt de Lo Yi-shan est une lettre d’adieu et d’amour de la réalisatrice à l’un de ses amis disparu au cours d’une excursion en montagne, qui relate comment son entourage fait pour vivre son absence.

All, or Nothing at All de Jiajun ‘Oscar’ Zhang

Dans le sens inverse, un nombre conséquent de films portant sur la génération de leurs parents ou grands-parents nous est parvenu, aussi bien en matière de documentaires que de fictions. Parmi eux, Karst de Yang Suiyi, est une œuvre contant les aléas du quotidien d’une dame âgée à la campagne, et dans laquelle les décors luxuriants de forêts et de grottes offrent aux spectateurs des images et des sensations nouvelles. The Absent de Lu Dan, comme pour fusionner toute cette analyse générationnelle, nous plonge dans l’Ouest glacé de la Chine en faisant se réunir trois individus quelque peu perdus : une jeune Han, un Russe d’âge moyen, et un Tatar âgé, emmenant avec eux leurs bribes de vie et leurs buts dans un lieu qui leur apparaît comme une terre d’exil. D’un pas de côté, Le Veilleur, documentaire franco-belge de Lou du Pontavice 和 Victoire Bonin Grais, s’attarde sur le sacrifice matériel total de deux parents quinquagénaires chinois, pour permettre à leur fils d’étudier à l’étranger. Sur un sujet de fond similaire, la fiction Carp Leaping Over Dragon’s Gate, deuxième long du réalisateur Yan Xiaolin, se révèle être un drame à suspense d’un magnifique noir et blanc, dans la plus pure tradition du cinéma chinois contemporain. Elle conte les sacrifices d’une mère pour permettre à sa fille de rentrer dans l’une des meilleures universités du pays et partir à l’étranger à terme. Les voyages lointains, voire l’exil, sont des thématiques décidément récurrentes cette année…

Karst de Yang Suiyi

Trois derniers films viennent clore la sélection des longs- métrages, et tous trois brossent le portrait de communautés. Blue Sun Palace de Constance Tsang, aussi un premier film, décrit un deuil rapprochant des membres de la communauté chinoise de New York autour d’un salon de massage. Stranger Eyes, film singapourien de Yeo Siew Hua, remarqué en 2019 pour Les Étendues imaginaires, peint le microcosme d’un immeuble à travers son dispositif de vidéosurveillance. Republic de Jin Jiang, suit un artiste menant la vie de bohème dans un taudis, qu’il autoproclame une république indépendante dans laquelle on vient refaire le monde.

Stranger Eyes de Yeo Siew Hua

Les courts-métrages de notre traditionnelle séance sont également marqués par la jeunesse de leurs auteurs. Tandis que l’animation Dodo de Yi Luo 和 Spring 23 de Wang Zhiyi capturent une certaine douceur, The Burning Night de Demon Wong 和 Life is Snow de Zhang Yaoyuan se révèlent éminemment plus politiques et interrogatifs vis-à-vis des sociétés en place qu’elles décrivent. Le court The Poison Cat de Guan Tian, lui, nous étonne et amuse par l’humour dont il fait preuve et par son appartenance au film de genre.

Spring 23 de Wang Zhiyi

Cette année, le champ géographique du Festival Allers-Retours évolue, ainsi que son identité. Les films que nous présentons proviennent aussi bien de Chine continentale que de Taïwan, de Singapour et de la diaspora chinoise du monde entier. Nous espérons que ce changement éditorial aidera à mettre en lumière à la fois ce qui les unit au sein d’un même univers, et comment cet univers se ramifie lui-même au contact des autres cultures partout dans le monde.

Équipe Allers-Retours
janvier 2025

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